Vélotaff

Dans un précédent article, nous évoquions le vélotaff comme alternative à l’usage d’une voiture pour les trajets domicile-travail. Depuis plus de 2 ans, Doumé roule pour P’TIWATT et vous livre aujourd’hui son retour d’expérience dans une interview.

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Peux tu nous donner quelques chiffres ? J’utilise mon vélo pour les trajets domicile-travail depuis 4 ans. Depuis 2 ans, j’ai augmenté le taux d’utilisation grâce à l’utilisation d’un vélo électrique. Avec ce vélo, j’ai parcouru 12 000km depuis 2 ans. La distance domicile-travail est de 23km. Un trajet dure en moyenne 47 minutes. Par jour, je parcours 46km et pratique une activité sportive durant 1H40.

1H40 de vélo par jour, tu n’as pas l’impression de perdre ton temps ? Le temps est mutualisé entre le transport et le sport. On peut penser que ce temps est perdu. En fait, ce temps agit de manière bénéfique sur le stress, la santé, … La pratique demande une bonne organisation. Je pars 30 minutes plus tôt par rapport à l’utilisation d’un véhicule. Je prends 10 minutes de marge afin d’arriver à l’heure et éviter les aléas ou le stress.

Est-ce que tu l’utilises pour d’autres trajets ? Je l’utilise pour aller faire quelques petites courses. L’expérience menée depuis 4 ans m’a amené à repenser à l’ensemble de mes trajets ou déplacements. La pratique régulière amène à une auto-critique ou prise de conscience des autres déplacements.

Pourquoi tu roules à vélo ? J’ai de nombreuses bonnes raisons. Il y a les émissions de carbone évitées, la santé, les économies réalisées, mais pas seulement. C’est aussi un choix philosophique.

Qu’entends tu par là ? Je pense qu’à partir de l’instant où les raisons qui motivent à prendre son vélo tous les jours sont mieux connues de soi-même, alors le fait de parcourir 46km par jour est déjà un moindre problème. Chaque personne a ses propres raisons. J’ai échangé avec des cyclistes sportifs et constaté que nous ne partagions pas les mêmes motivations.
Je souhaite pouvoir penser et agir autrement. Je pense que le vélo est un moyen d’y parvenir. Je vois le vélo comme une alternative complémentaire à d’autres mesures comme par exemple produire son énergie. L’idée est d’augmenter l’autonomie et la résilience. J’entends par là de multiplier les sources d’énergies, de nourriture, favoriser la bio-diversité, multiplier les moyens de transport afin de construire un système certes complexe mais moins vulnérable.
Certains parcourent le monde pour trouver des solutions qui existent chez eux. D’autres souhaitent imposer des règles qu’ils ne s’appliquent pas eux-même. Personnellement, je pense que nous avons tous le pouvoir de changer, à commencer par soi-même et qu’il faut montrer l’exemple.
Je voulais mener une expérience de terrain, une sorte de défi imposé à moi-même, mais pas aux autres. Je voulais me rendre compte de difficultés, comprendre les freins et pourquoi pas imaginer des solutions pour les lever.

Ton employeur se sent-il concerné par les transports doux ? Le vélotaff cible les trajets domicile-travail. Je pense que les retombées du vélotaff sont positives sur le stress et la santé. Donc on pourrait penser que l’employeur ait un intérêt à la promotion du vélotaff.
Mon employeur recherchait une idée concourant à la protection de l’environnement. Nous avons proposé de mettre en place un challenge alliant la production d’énergie au vélotaff. Nous aurions pu solliciter une association afin de coacher préalablement les participants du challenge à la sécurité et la visibilité à vélo. Quelques équipements de sécurité auraient pu être fournis. Les participants auraient pu être récompensés, même de manière symbolique. L’entreprise aurait pu s’attendre à des retombées positives en matière de communication. Il était proposé de poser des compteurs permettant de prendre conscience de la production (éolien + photovoltaïque) et de la consommation (recharge vélo électrique). L’idée n’a pas été retenue.

Et les collectivités ? J’ai renseigné des sondages et participé à des audits . Pour l’instant, je n’ai constaté aucune signe ou évolution pratique. Une synergie serait possible entre les collectivités, les entreprises, les associations et les usagers. Tout le monde y gagnerait : sécurité, santé, lutte contre la violence routière, protection de l’environnement, …

Est-ce un acte citoyen ? J’ai tenté d’expliquer autour de moi que le fait d’utiliser un vélo, c’était une façon pour moi de retarder les prochains conflits. Je ne suis pas toujours compris… Peut-on se dire pacifiste, rouler en SUV sans jamais s’interroger sur la provenance de cette énergie et des moyens qu’ils faudra mettre en œuvre pour garantir la continuité de l’approvisionnement ? Ne faudrait-il pas commencer à récompenser celles et ceux qui pratiquent la sobriété ?

Ce n’est pas un vélo pour fainéant ? On me le dit souvent. Ce vélo n’est pas une mobylette. La pratique demande des efforts non négligeables. Il m’arrive de parcourir 230 à 300 kilomètres de vélo par semaine. Le vélo avance que si l’on pédale. Le moteur n’intervient que s’il mesure un effort au niveau du pédalier. Il est possible de choisir le niveau d’intervention du moteur. A l’aller, je choisis souvent le niveau minimum d’intervention parce que je souhaite faire des efforts. Le soir, lorsqu’il pleut ou lorsque je suis fatigué, j’augmente l’assistance. J’utilisais un vélo classique un jour sur deux. L’effort à fournir était supérieur et demandait un temps de récupération. Avec ce vélo, je dose l’effort à fournir et peux l’utiliser quotidiennement.

Est-ce que le vélo se recharge en roulant ? Non. Je recharge la batterie dès que possible à l’aide d’un chargeur externe, dans une pièce tempérée (20°C) et jamais en dessous de 0°C. Il faut éviter de la stocker déchargée. Une batterie au lithium a une durée de vie plus longue si on utilise moins de 20% de sa capacité. La batterie est toujours stockée dans une pièce tempérée, donc ni trop froide ni trop chaude. Une fois par mois, j’utilise toute sa capacité (décharge totale) afin de provoquer une égalisation des cellules. L’autonomie se situe entre 60 et 100 km selon le mode d’intervention moteur choisi et les dénivelés. La batterie est souvent rechargée avec l’électricité produite sur place (éolienne ou solaire photovoltaïque).

Quel est le gain énergétique et écologique par rapport l’utilisation de ta voiture ? Si j’avais parcouru 12 000 km avec mon véhicule (lequel consomme 6l / 100km), j’aurais consommé 720 litres de carburant. Un litre de gasoil représente une quantité d’énergie d’environ 11kWh. Pour parcourir 12 000 km, j’aurais consommé 720 x 11 = 7920kWh.
A l’aide d’un wattmètre, j’ai mesuré la consommation électrique du vélo pour un trajet aller-retour. Elle est de environ 0,3kWh pour 46km. Pour 12000km, j’ai donc consommé 0,3 / 46 x 12000 = 80 kWh. Cette mesure confirme les lectures effectuées sur le net à savoir qu’il existe un rapport 100 entre l’automobile et le vélo. Un trajet de 46 km revient à environ 0.04€ si l’énergie est prélevée sur le réseau national.
Ma voiture relâche 159g de CO2 par km. 12 000km à vélo a permis d’éviter 1,9 tonne de CO2.

Donc tu as revendu ta voiture ? Non, je l’ai conservée et je l’utilise lorsque je ne peux pas faire autrement. Je ne prévois pas d’en changer mais de la conserver le plus longtemps possible.

As tu bénéficié de subventions pour acquérir ce vélo ? Non. J’ai acquis le vélo entre deux campagnes de subvention. J’ai constaté que le prix du vélo avait augmenté plus que le montant de la subvention. Mon avis est que les subventions servent à lancer un marché et ne profitent pas à l’acquéreur. Les consommateurs en sont de plus en plus conscients. Pour encourager l’usage quotidien du vélo, il y aurait beaucoup à faire pour accompagner le changement. Certaines mesures ne coûteraient rien.

Le vélo peut-il participer au désendettement ? Très clairement oui. Il arrive que 2 mois s’écoulent sans je ne sois obligé de refaire le plein de ma voiture. J’économise en moyenne 45 euros de carburant par mois. La pratique du vélo concoure à un ensemble de mesures que j’ai identifiées pour me désendetter, combler les pertes de salaires, combattre la hausse du coût de la vie et permettre à mes enfants de suivre leurs études.

Le vélo, c’est dangereux ? Il m’est arrivé qu’un passant alcoolisé descende subitement du trottoir. Je crois que c’est la seule occasion où j’ai représenté un danger pour quelqu’un. Les automobiles sont dangereuses pour les cyclistes et non l’inverse.
Je dispose d’une tenue cycliste visible et adaptée à la météo : chaud, froid, pluie … Je m’assure du fait que les feux sont toujours en état de marche. Je dispose de 2 feux à l’avant et 3 feux à l’arrière afin d’être plus visible et réduire le risque de me faire écraser. Malgré cela, certains automobilistes ne me voient pas. Un rétroviseur me permet d’anticiper les réactions des automobilistes. Le matin ou le soir des automobilistes peuvent être éblouis par le solaire rasant. Selon les conditions, il faut adapter sa vigilance.
De nombreux automobilistes vous frôlent, coupe la route, double en face de vous… Le soir, ils sont souvent pressés de rentrer. C’est pire lorsqu’il pleut parce que la pluie et la buée diminuent la visibilité.
Il faut être vigilant vis à vis des automobilistes qui ouvrent leur portières. J’imagine le pire sur les ronds points et intersections.
Je tente d’intégrer les situations à risque afin d’anticiper les comportements des automobilistes.
Parfois, des automobilistes patientent ou doublent avec une confortable marge de sécurité. Merci à eux.
Je ne roule pas trop prêt du bord afin de ne pas être déstabilisé par le bas côté. J’évite les plaques d’égout en fonte depuis une perte d’équilibre. Je freine toujours en ligne droite, pas sur les graviers et avant les virages.

Tu l’as acheté chez un vélociste local ? Je dirai que le local ou la proximité est souvent la bonne solution, mais pas toujours. L’entretien revient souvent. Il est indispensable de développer des compétences pour entretenir et réparer sa machine. Depuis 2 ans, j’ai appris à entretenir la chaîne, changer des rayons, réparer un pneu, dévoiler une roue, remplacer une chaîne et une cassette. J’apprends seul avec Youtube. J’aimerai bien un jour participer un atelier entretien-réparation et pourquoi pas en organiser un par la suite.

As tu fait des émules ? Oui, deux personnes autour de moi pratiquent régulièrement. Je pense que des associations ou entreprises pourraient jouer un rôle moteur ou d’accompagnement : sécurité, visibilité, confort, achat groupé, entretien, coaching, formation, insertion … J’imagine bien la mise à disposition d’ateliers libres où des personnes échangeraient leur savoir-faire, pourraient bénéficier d’entraide mutuelle, de parrainage …

Est-ce que l’utilisation de ce moyen de transport est une évolution ou une régression ? La question m’a déjà été posée. Le vélo est une solution alternative simple et à la portée de tous permettant de répondre aux contraintes que je trouve de plus en plus nombreuses et insidieuses. Je pense que ce moyen de transport permet de s’adapter, qu’il est en adéquation avec son temps et constitue une solution d’avenir.

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